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Le stress vient du déséquilibre

Interview de Guillaume Pertinant, consultant en ressources humaines. Travail, autonomie et sport... Il explique que tout est question d'équilibre en matière de gestion du stress.

Attention le stress peut se cacher là où on ne l'attend pas : trop d'activités peut nous angoisser, mais pas assez aussi. Trop de travail, manque d'autonomie, pas assez d'activités sportives... rejetant les prises de position tranchées, Guillaume Pertinant explique ici pourquoi tout est affaire d'équilibre en matière de gestion du stress. Ingénieur télécom reconverti par passion dans le conseil RH, Guillaume Pertinant est consultant auprès des entreprises. Il met son expertise au service des responsables des ressources humaines pour les aider à trouver des solutions face au stress de leurs salariés, à l'absentéisme, au désengagement...

MaNews : Une charge de travail trop lourde conduit au stress, la cause est entendue. Mais pour vous l'inverse aussi est vrai. Alors, entre trop et pas assez, comment combattre le stress ?

Guillaume Pertinant : « Pour éliminer l'effet, éliminons ses causes » : si l'objectif est de faire disparaître le stress, une forme de logique tend à prescrire la disparition de ses causes. Ce raisonnement fort malheureusement conduit à de dangereuses erreurs. Par exemple de nombreuses études récentes montrent que l'excès de charge de travail et l'absence d'autonomie sont des agents de stress. Il faudrait donc réduire considérablement la charge et augmenter considérablement la latitude décisionnelle. Si généralement une charge de travail excessive accroît effectivement le niveau de risque (il s'agit d'une considération statistique, il est entendu que chacun(e) réagit différemment), paradoxalement une charge trop faible peut également entraîner des risques.

MaNews : Par exemple ?

Guillaume Pertinant : Bien des accidents, sur les terrains de sport, lors d'activités domestiques, ou au travail surviennent lorsque la charge (physique ou mentale) est insuffisante pour solliciter l'attention et la vigilance de la personne considérée. Sans parler de la perte d'estime qui menace celle ou celui qui se retrouve « au placard ». A l'extrême on trouve même les techniques de déprivation sensorielles utilisées naguère comme instrument de torture dans les prisons crasseuses. L'absence de charge nuit donc tout autant que son excès. Il faut donc trouver le bon équilibre

MaNews : Il suffirait donc d'établir des normes de charge de travail  pour instaurer cet « équilibre anti-stress » ?

Guillaume Pertinant. Non, et ce pour au moins deux raisons. Premièrement la charge de travail n'est qu'une cause parmi de nombreuses autres. Par exemple, le cas de l'autonomie est révélateur. Nous savons que l'absence de latitude décisionnelle peut-être un fort agent de stress depuis Robert Karasek (ce sociologue et psychologue américain a conçu en 1979 un questionnaire de mesure du stress au travail. Appelé modèle de Karasek, celui-ci permet d'évaluer le poids psychologique auquel est soumis un salarié, sa latitude décisionnelle et le soutien social qui lui est accordé : NDLR). Mais à l'inverse, le travail en totale autonomie conduit parfois à l'isolement, qui est un tout aussi délétère. En second lieu il faut considérer la subjectivité de chacun, par exemple la représentation que chacun se fait de son travail, du sens qu'il lui donne et de son propre rôle...

MaNews : Vous évoquez une autre source de déséquilibre en prévenant contre l'excès d'activités sportives. Pourtant ces dernières sont souvent présentées comme un remède anti-stress miracle. Faut-il trouver là-aussi un juste milieu entre trop et pas assez ?

Guillaume Pertinant. S'il faut être habile dans la "gestion" des agents de stress, il faut également éviter de se consacrer corps et biens au développement de ses modérateurs. La pratique sportive, qui est un facteur reconnu de réduction du stress, peut en devenir un agent lorsqu'elle a pour seul objectif de repousser les limites de la personne qui la pratique. Tout est donc dans la nuance, dans l'équilibre, dans l'observation de chaque contexte et dans la compréhension des besoins de chacun.

Propos recueillis par Andrée Muller